mardi 27 novembre 2007

... Allaiter !

... Allaiter !

Ca y est, bébé s’annonce. Tu es ravie. Tu es rêveuse. Tu as des nausées. Tout est normal jusque là.

Petit à petit, tu annonces cette future arrivée, tu provoques ainsi quelques yeux froncés et sourires forcés, mais aussi beaucoup de belles surprises, d’enthousiasme, d’empathie joyeuse. Le monde a l’air heureux que tu entendes un heureux événement comme on dit.
Mais dans ta rêverie, tu entends les premiers « tu devrais » …

« tu vas allaiter n’est ce pas ? » C’est ta copine d’enfance qui te parle au téléphone.
« tu es toujours là ? »
oui, oui, tu es toujours là.
« et bien pourquoi tu me réponds pas ? tu vas allaiter non ? »
« je sais pas »
« tu ne sais paaas ???? Mais tu dois savoir que …. »

Elle semble stupéfaite, et commence son long argumentaire qu’elle ne doit pas réciter pour la première fois.
En même temps, ça ne t’étonne pas trop. Elle a commencé par décider à l’adolescence qu’on ne l’appellerait plus Ludivine mais Lulu, c’est un prénom africain, et en latin ça veut dire lumière, et puis c’est plus simple Lulu. Déjà, ça commençait, l’éloge de la simplicité.
Après, à 17 ans, elle a vu un reportage sur les conditions d’élevage des bœufs au Etats-Unis et elle est devenue végétalienne. Et elle a continué, d’alternatives en alternatives, comme elle dit. Elle ne sait faire que de l’alternatif ! Tu lui parles d’une nouvelle chose et elle te dit « tu sais, il y a des alternatives … »

« … C’est pour ça que tu devrais allaiter ! Allaiter c’est bon pour la santé ! »

On dirait qu’elle a fini là. Mince, tu n’as rien écouté. Enfin pas trop.
Elle a parlé de naturel, de santé, de devoir même ! Elle a cité au moins 150 études (elle peut te donner les références si tu veux, sur un site médical en anglais très sérieux), ces études montrent toutes que les bébés biberonnés sont beaucoup plus malades que les bébés allaités et la différence se voit longtemps : jusque 5 ou 6 ans et même pour certaines choses à l’âge adulte ! Elle t’a aussi parlé des recommandations de l’OMS.

Tu te risques « c’est une association l’OMS ? »

Tu la sens sourire au bout du téléphone, « mais non l’organisation mondiale de la santé ! Ils recommandent d’allaiter exclusivement jusqu’à 6 mois puis de poursuivre l’allaitement avec de l’alimentation solide au moins jusqu’à 2 ans »

Ah. Tu ne sais pas trop quoi répondre.

Deux jours après tu as rendez vous chez Madame Gygy, ta gynécologue. Tu arrives à 17H pour un rendez-vous à 16H, mais tu ne passeras pas avant 18H30 de toute façon. Et pendant que tu attends, tu discutes avec les autres futures mamans dans la salle d’attente et surtout avec Madame Mê, la secrétaire, toujours aussi speed.
Pendant que Madame Gygy t’examine, elle te demande si tu penses allaiter. Tu ne sais pas. Elle te le conseille vivement, ça va t’aider à retrouver la ligne, ton utérus va mieux se contracter et tu vas diminuer le risque de cancer du sein. Ah bon, merci mais je crois que vous avez déjà mesuré la hauteur utérine tout à l’heure . « Hein ? ah oui excusez moi » et elle repart vers son bureau, ça doit vouloir dire que tu peux te « refaire » (quoi on dit pas ça ? et pourquoi elle dit « vous pouvez vous défaire » alors ?)

Le soir tu as invité ta copine Marie-Thérèse, qui a allaité son fils. Tu lui poses la question. Elle te répond que si Dieu a donné des seins aux femmes, c’est bien pour s’en servir non ? Elle ajoute qu’elle a bien aimé le faire, elle semble un peu gênée de reconnaître ça. Elle parle aussi de praticité, toujours prêt et tout.

Tu auras encore ta mère, Moman qui t’expliquera lors du traditionnel repas du dimanche, que tu fais comme tu le sens mais que quand même, allaiter c’est mieux. (ça s’appelle te laisser libre ça !). D’ailleurs elle vous a tous allaités. C’est bien normal. Elle devait faire ça pour vous. Tu te sens obligée de murmurer un petit « merci » pour bien montrer ta reconnaissance éternelle et éviter de déclencher un torrent de réprimande.
Mais quand tu diras que Lulu a allaité chacun de ses 4 enfants pendant 5 ans, après un haussement d’épaule de convenance, elle s’adoucira et se souviendra avec émotion de la fois où elle avait vu Lulu avec son second, quand il avait 15 jours. « Il tétait goulûment et petit à petit, il s’est endormi. Il était là, endormi contre sa mère. Elle lui souriait et lui caressait la tête. Il paraissait si bien, si détendu. On aurait dit un ange. Ca m’a rappelé quand je faisais téter ton frère, c’était doux, beau, calme comme ça » Elle ne dit plus rien, elle rêve …

Voisine Titine te dira encore que, d’après elle, le seul avantage prouvé de l’allaitement c’est que c’est gratuit ! Et ton généraliste, Le Docteur D qu’en tant que docteur, il ne peut que te conseiller d’allaiter forcément. Mais il dit ça d’un ton bizarre, tu n’es pas bien sûre qu’il le pense.

Quand tu iras chez elle goûter son nouveau gâteau aux carottes accompagné de thé rouge africain bio (sans théine mais naturellement, attention), Lulu te parlera aussi de maternage proximal.
De quoi ? C’est quoi cette bête ?
Ben c’est le contraire du maternage distal.
Merci, ça m’aide vachement mais tu peux détailler ?
Tu regrettes aussitôt ta question, la voilà reparti dans une tirade enflammée, sa voix monte au fur et à mesure, on ne peut pas lui reprocher de pas y croire mais c’est épuisant, on dirait qu’elle s’énerve, c’est agressif ce ton … Mais surtout ne pas lui dire car elle va répondre « je ne m’é-ner-ve pas, j’ex-plique !! ». Soupir.

Le maternage proximal donc c’est d’abord l’allaitement qui implique un contact proche régulier entre maman et bébé, la présence de la maman 24H/24, c’est aussi le portage, le cododo. C’est naturel (on s’en serait douté), et c’est la norme dans l’espèce humaine : 2/3 des hommes vivant aujourd’hui ont été élevés comme ça. Cela favorise l’attachement mère-enfant (ça c’est le terme pompeux pour dire que tu vas aimer ton bébé), ça augmente la confiance en lui du bébé, tu réponds à ces besoins et lui développe une confiance positive en ce monde agréable ou l’on peut avoir ce dont on a besoin….

Ok, ok, tu as compris. Tu devrais allaiter, on dirait. Bon, ben tu vas faire ça alors.

… Biberonner !

Aujourd’hui, tu vas faire ta BA. Tu vas manger chez Belle Maman. Elle a appelé il y a 2 jours pour dire que « ça fait quand même 3 fois ce mois ci que vous allez manger chez Moman et vous n’êtes venus ici qu’une fois, c’est pas très juste » Tu a évité de lui dire que tu l’as invité une fois aussi ça sert à rien … Soupir.

Zom et toi arrivait donc à 12H pile, surtout ne pas la contrarier trop vite. Vous avez amené un bouquet de fleurs et un paquet de bonbons pour Beau Papa. Mais « il n’avait pas besoin de ça, son cadeau c’est votre venue ». Pour le bouquet, elle ne dit rien. Devait être nécessaire ça.

Elle a fait une entrecôte grillée avec une salade composée … « oh, mince ! j’ai oublié que tu ne pouvais pas ! ah j’ai une idée, tu pourrais manger comme les enfants : purée/jambon blanc, ça te va ? » re soupir.

Pendant que tu te régales de ta purée à peine chaude, elle demande l’air de rien « tu vas le nourrir ? »
Tu résistes à l’envie de répondre « ben non, je vais le laisser mourir de faim » et convaincu par tous tes amis, tu réponds « oui, bien sûr ».
Et là tu réalises que la question était posée avec un ton légèrement inquiet qui appelait très probablement un rassurant non. Effectivement …

« Mais tu ne te rends pas compte ! C’est un esclavage. Tu ne pourras le confier à personne, (pas à elle en particulier), tu seras obligé de te lever toi-même la nuit et tu sais, quand on voit comment c’est éprouvant et fatiguant un accouchement, tu n’auras pas besoin de ça. En plus, tu ne pourras jamais savoir combien il prend, du coup, tu auras tendance à lui donner à chaque fois qu’il pleurera. Il va vite s’en rendre compte et tu ne seras plus libre. En plus, tant que tu allaiteras, il ne fera pas ses nuits. »

Sur le chemin du retour, tu réfléchis. Tu repenses à ce que disait Madame Mê, la secrétaire de ta gynéco « vouloir allaiter c’est bien mais je les vois moi, les mamans à la visite postnatale. Elles ont toutes eu super mal : crevasses, engorgement, fièvre … Je me souviens d’une maman dont le bébé avait régurgité du sang, et bien : c’était celui de la mère. Vous vous rendez compte ? Elle avait une crevasse impressionnante, c’est pour ça. Et je vous raconte pas comment ça fait mal, presque autant qu’une mastite …..»

Marie-Thérèse aussi t’en a parlé, qu’elle devait serrer les dents quand son bébé tétait, qu’elle a pleuré plusieurs fois au début. Ca t’interpelle. Ca fait un peu peur de s’occuper d’un nouveau-né alors est-ce que ça vaut la peine de se rajouter des complications ?

En rentrant, tu croises Voisine Titine. Elle te demande des nouvelles. Et elle en profite pour te parler de Madame Machin a qui tout le monde reluquait les seins quand elle allaitait ses enfants. Ca te met mal à l’aise. Tu es pudique et ça te gêne, tu sens que tu ne vas pas aimer allaiter en public. Voisine Titine continue et précise d’un ton professoral « d’ailleurs le fils de Madame Machin, il est tout le temps malade alors qu’elle l’a allaité 3 ans. 3 ans vous vous rendez compte ? A coté de ça, ma cousine n’a pas allaité ses enfants et ils ne sont ja-mais ma-lade, ja-mais ! Alors leurs études aux grands docteurs là, c’est pas toujours vrai. »

Tu parles de cette histoire de maladie à ton généraliste, le Docteur D, il te dit qu’il n’en sait rien mais par contre, il se rend compte que l’on ne peut pas soigner une maman qui allaite, le Vidal conseille toujours ou presque la plus grande prudence.

Le soir, tu vas sur ta messagerie instantanée préférée en espérant y croiser Tati Ginette. Et Tati Ginette est là. Elle t’écoute et finit par te dire « tu sais, il vaut mieux donner un biberon avec plaisir que le sein avec réticence ».

Ah. Bon. C’est vrai que tu es pudique, que ça te fait peur alors peut-être que tu ne devrais pas allaiter ? Oui, c’est ça, tu vas t’abstenir.

… nourrir maternellement !

Ton homme n’y comprend plus rien. La semaine dernière, tu avais décidé d’allaiter. Et maintenant, tu jures tes grands dieux que tu n’en feras rien. « Mais qu’est ce que tu veux à la fin ? »
Il a raison Zom. C’est la seule question. Qu’est ce que tu veux ? Comment tu te sens ?

Bien sûr, allaiter c’est bon pour la santé des bébés et des mamans. Bien sûr allaiter c’est pratique et pas cher. Bien sûr, allaiter c’est simple et naturel. Bien sûr, allaiter favorise l’attachement maman-bébé.

Evidemment, biberonner ici et maintenant, c’est sûr. Evidemment, biberonner ça laisse plus de liberté à la maman. Evidemment, biberonner c’est plus pudique. Evidemment, biberonner c’est plus dans notre culture. Evidemment, biberonner ça peut sauver la relation maman-bébé.

Et après ? Qui est-ce qui va le faire ? c’est toi non ? Alors fermes les yeux, imagines toi et choisis. Ton choix. Pas celui de Lulu ou Madame Mê !

Et assumes. Tranquille. Tant pis si Belle Maman n’est pas contente, tant pis si Lulu est déçue.

Si tu biberonnes, ne culpabilises pas. C’est ton choix, tu en as le droit. Tu materneras ton bébé, tu le câlineras, tu lui expliqueras peut-être pourquoi tu n’as pas choisi ça. Tu ne deviendras pas une Belle Maman moralisatrice. :D

Si tu allaites, ne te décourages pas trop vite. Fais toi aider si tu as des soucis, ça vaut la peine d’aller au bout de ta décision. Tu auras peu de remarques négatives au début. Plus tard ? On en reparlera ;)


Bientôt un prochain billet, plus léger : le soir après le coucher des enfants que faire ? dormir ? regarder la TV ? câliner son homme ? ou plier le linge ?

12 commentaires:

Minite a dit…

La prochaine fois, je pense que je ferais plusieurs billets, un par jour pendant 2 jours ou plus. ;)

Sailor Moon a dit…

Super ce nouveau billet c'est tout à fait ça !!!

Et super aussi que la cadence des billets se fasse plus vite.

Dis je peux te mettre dans ma blogroll ? Merci.

L'équipe éducative a dit…

et bien

que de vérités au travers de ces textes !

dans le rôle de maman allaitante je m'y retrouve à du 200 % avec les "conseils" peu pertinents de mon entourage...

Le pire, c'est qu'ils n'ont pas encore tout vu !
cela fait deux mois et demi que j'allaite ma fille avec une joie immense et bien ça n'est pas prêt de s'arrêter et les
"il ne serait pas temps de penser aux bibis ??"
et non belle maman !!!
ni à la panade et ni à la soupe

allaitement exclusif à mon grand plaisir et à son grand désespoir...

Geraldine a dit…

Bravo Minite
Je garde le "nourrir maternellement" pour pouvoir répondre plus tard à celles qui posent des questions auxquelles on n'a pas envie de répondre. Vivement la suite des billets ;-)
Kinhoa

Emmanuelle a dit…

Roh c'est délicieux et excellent pour la santé mentale ! Bravo !
J'attends avec impatience le billet sur l'écharpe de portage, qui promet bien des délices (tu [i]devrais[/i] y songer rapidement ;)

Merci beaucoup !

PtyGalop

couette a dit…

Rhoooooo put*** mais qu'est ce que j'ai honte!!! Je me reconnaît tellement dans Lulu *là je rougis grave*, mais comment lui en vouloir?? Qu'elle parle de ce qu'elle pense être la meilleure façon de nourrir (ou plutôt materner) son bébé avec autant d'enthousiasme... Ohhhh qu'c'est bon la honte!!! *grand sourire!!*

Minite a dit…

merci les filles.

prochain billet en cours de rédaction, parution demain !

Famille Leullier-Delette a dit…

J'ai croisé Lulu et Belle moamn aussi moi ;) Heureusement que d'autres étaient là aussi pour dire et redire que le meilleur choix est celui de la mère !!!
Bon on est demain, j'attend billet n°3 !!

Sailor Moon a dit…

En retard le billet là...

Unknown a dit…

super ton blog c'est sympa ;-)
moi aussi je me reconnais dans lulu outch....

Nath a dit…

Eh bien, elle a l'air sympa, ta copine Lulu! :D
Super en tout cas ton texte, à faire lire aux futures mamans!

Anonyme a dit…

Tant de realisme, j'adore!!!
J'ai rencontré quelques Lulu, et aussi quelques secretaires de medecins lors de mes grossesses... Mais j'ai une forte aptitude a faire croire que j'ecoute alors que je prepare ma liste de courses pour le lendemain, donc y'a bcp de choses que je n'ai pas entendues...